Il y a quelques années...
La bibliothèque, lieu calme et reposant, mais surtout déserté par la plupart des élèves du lycée. Sauf pour les élèves comme Yseult, sérieux et dont l'ambition dépassait le simple désire de devenir reine de promo ou de gagner le match de championnat. Et pour elle, c'était aussi l'endroit idéal pour être sûre que personne ne viendrait l'emmerder. Si elle y était ce jour-là c'était pour préparer le débat qui devrait se tenir le week-end prochain. On lui avait collé une nouvelle partenaire et elle avait tenu à la rencontrer avant, histoire qu'elles puissent mettre au point leur stratégie. Mais si elle avait été ponctuelle, ce n'était pas le cas de la prénommée Lysandra. Yseult était plongée dans la lecture d'un ouvrage traitant de l'esclavage des noirs lorsqu'elle entendit qu'on tirait la chaise à côté d'elle. Elle releva alors la tête pour poser son regard sur une blonde aux yeux vert émeraude. Elle lui adressa un sourire, même si elle était agacée par le retard de sa nouvelle partenaire. «
Excuses moi du retard, j'ai dû garder ma petite sœur plus longtemps que prévu. ». Elle se contenta alors de hausser les épaules, comment pouvait-elle lui en vouloir avec une excuse comme celle-là ? Elle garda alors le silence et déposa un ouvrage devant sa camarade. Yseult n'était pas connue pour être bavarde, ni pour tourner autour du pot. Plutôt pour sa franchise et le manque d'émotion dans ses propos. Elle regarda Lysandra la regarder et fronça les sourcils. «
Quoi? ». «
Je ne comprends pas pourquoi tu n'es pas plus populaire. Après tout, tu es belle, tu aurais facilement pu devenir cheerleader et devenir la reine de promo, alors pourquoi le club de débat? ». Yseult se redressa un peu et examina sa camarade de la tête au pied. Lysandra ne pourrait en aucun cas nier être nouvelle ici, sinon elle aurait su. Bien que cela n'ai jamais vraiment été dans ses plans, même si elle avait voulu devenir Cheerleader, la coach ne l'aurait jamais prise, cela ne faisait aucun doute. Ce qui était une perte pour elle d'ailleurs, en temps qu'ancienne gymnaste, Yseult se débrouillait plutôt pas mal. Elle remit une mèche de ses cheveux en place en examinant Lysandra. Posait-elle vraiment la question par curiosité ou était-elle en train de se fiche d'elle ? Elle n'arriva pas à décider duquel des deux il s'agissait. «
Entre faire des courbettes et me faire engrosser par le capitaine de l'équipe de foot ou remplir mon dossier scolaire de bonnes notes et d'activité extra-scolaire intellectuelles, j'ai vite fais mon choix. ». Peut-être avait-elle été un peu trop sèche avec Lysandra, mais elle n'était pas vraiment habituée à ce que les gens lui posent ce genre de question, ou qu'ils ne lui posent de question tout court pour être honnête. Elle était plutôt habitué à les entendre chuchoter derrière son dos et à les voir l'éviter, comme si elle avait été porteuse d'une maladie extrêmement contagieuse. Elle n'y portait que peu d'attention, persuadé qu'elle réussirait sa vie quand eux seraient coincé dans un boulot merdique pour le reste de leur vie. «
Il n'empêche que tu aurais divinement bien porté l'uniforme des cheerleaders. ». Yseult fronça alors les sourcils, pas vraiment certaine de comprendre d'où cette réflexion pouvait bien venir. Elle secoua doucement la tête, décidant de ne pas trop y prêter d'attention et de plutôt se concentrer sur l'histoire de l'esclavage aux Etats-Unis et en Europe.
ɣɣɣElle avait le cœur léger d'une adolescente amoureuse. Parce que malgré la promesse qu'elle avait faite à sa mère, elle n'avait pas pu lutter contre cette sensation étrange dans son estomac, elle n'avait pas pu lutter contre cette euphorie qui s'était emparée d'elle depuis qu'elle avait embrassée Lysandra. Jamais ô grand jamais elle n'aurait pu imaginer que cela soit chose possible. Bien souvent elle s'était déjà imaginée finir en avocate aigrie par la solitude. Aujourd'hui, une nouvelle lueur d'espoir s'était allumée dans son regard, finalement, peut-être que ce n'était pas aussi terrible que ça de tomber amoureuse et d'accepter de dépendre, au moins un peu, d'une autre personne. L'idée de se rendre au lycée devenait alors moins pénible. C'est donc un large sourire sur les lèvres qu'elle marchait dans le couloir ce jour là, persuadée que tout irait mieux maintenant. Son sourire toutefois s'effaça quand elle aperçu Lysandra avec le groupe des Cheerleaders, il se transforma même en grimace alors qu'elle arrivait à son casier. Que faisait-elle avec ces filles ? Elle jeta quelques coups d’œil rapide avant de soupirer et d'ouvrir son casier. Elle se faisait sûrement des idées, après tout, Lysandra n'avait peut-être qu'un devoir à faire avec l'une d'entre elles. Elle était trop habituée aux tragédies qu'elle en avait presque prit l'habitude de tout transformer en l'une d'entre elles. Mais une voix la fit sursauter. «
Alors Dickens, on a changé d'équipe? ». Pas certaine de comprendre, elle fronça les sourcils en regardant Lysandra, restée plus loin. Au regard que la blonde lui lança, elle comprit alors. Elle se mordit l'intérieur des joues, énervée par elle même, d'avoir été aussi stupide. «
Dis moi, tu croyais vraiment que quelqu'un pouvait s'intéresser à toi? ». Elle avait sincèrement envie de partir en courant, de s'enfermer dans sa chambre et de pleurer toutes les larmes de son corps. Mais jamais elle ne se rabaisserait à leur faire se plaisir. Elle préférait encore encaisser n'importe laquelle de leurs insultes toute la journée plutôt que d'imaginer le pouvoir qu'elles auraient sur elle si elle succombait. «
En attendant, elle n'avait pas l'air de détester ça. Du moins pas quand elle m'a embrassée. ». Oui, parce que c'était Lysandra qui avait fait le premier pas, pas elle, elle n'aurait jamais osé de toutes façons. Elle regarda le large sourire se dessiner sur les lèvres de son bourreau, visiblement fière d'elle. «
Qu'est-ce que tu peux être conne ma pauvre fille ! Tu crois vraiment qu'une fille comme Lysandra est lesbienne ? Il n'y a que les laisser pour compte comme toi qui se tourne vers les femmes à défaut de pouvoir trouver un mec. Tu crains Dickens, personne ne voudra jamais de toi ! ». Une part d'elle même souhaita alors que Roméo soit là. La protection de son frère aîné lui manquait tellement parfois. Pourtant, si elle était ainsi persécutée, c'était à cause de lui, parce que tout le monde avait plus ou moins peur d'elle, à cause de ce qu'il avait fait. La capitaine des Cheerleaders ne jugea pas nécessaire de rester plus longtemps et retourna avec son groupe de
pétasses, comme elle aimait à les appeler. Son regard ne quitta pas Lysandra. Ainsi donc venait-elle de vivre sa deuxième tragédie. Parce que celui qui prétend qu'un amour d'adolescente piétiné n'est pas une tragédie a oublié ce qu'être adolescente veut dire.
Récemment...
Elle fronça les sourcils en entendant des voix tout près de son bureau. Elle n'avait pas de rendez-vous avant plusieurs heures, il n'y avait donc aucune raison pour que sa secrétaire soit dans les parages. D'autant plus qu'il semblait qu'elle se disputait avec une autre jeune femme. Elle avait les yeux rivés sur sa porte lorsque celle-ci s'ouvrit. Son regard se posa alors sur sa secrétaire, visiblement désemparée, puis sur l'autre jeune femme qui était avec elle. Elle aurait reconnu ce visage parmi tant d'autre. Malgré elle, elle se leva, finalement plus surprise par l'identité de l'individu que par sa réelle présence. Leur regard se croisèrent alors et Lysandra arrêta aussitôt de se disputer avec la secrétaire, qui, ne sachant trop que faire, décida simplement de s'éclipser. Le silence régna quelque minute dans le bureau de l'adjointe du maire. C'est Yseult qui se décida finalement à le briser. «
Lysandra. ». C'était tout ce qu'elle avait trouvé à dire. Cette femme l'avait brisée pendant son adolescence, lui faisait croire un instant à l'amour pour finalement briser tous ses espoirs en quelques secondes. Si elle avait été incapable de vivre de véritables histoires, c'était à cause d'elle et elle le savait bien. Nerveusement, elle se passa une main dans les cheveux. Geste qui fit sourire Lysandra. «
Tu fais toujours ça quand tu es nerveuse. ». Même si elle avait voulu démentir, elle n'aurait pas pu, parce qu'elle savait bien que c'était vrai. Elle fit claquer sa langue contre son palet, avant de grimacer en se rendant compte que c'était aussi ce qu'elle faisait toujours quand elle était agacée. Lysandra, elle ne lui avait jamais reparlé. Leur histoire n'avait jamais vraiment eu de fin, parce qu'elles n'avaient jamais vraiment parlé de ce qu'il s'était passé. Mais ce n'était ni le lieu, ni le moment pour penser à ce genre de chose. «
Je peux faire quelque chose pour toi ? J'imagine que tu n'as pas fait un scandale pour me voir pour rien. ». Si Lysandra lui avait répondu par l'affirmative, Yseult aurait certainement pu craquer de nouveau pour son ancienne camarade. Elle ne comprenait d'ailleurs pas cette boule qu'elle avait au creux de l'estomac. Lysandra c'était de l'histoire ancienne depuis longtemps, alors pourquoi la blonde la troublait encore ? Elle n'en avait aucune idée, mais plus que ça, elle ne voulait pas y penser maintenant. «
Si j'avais su que c'était toi l'adjointe du maire, je serais venue plus tôt. ». Yseult ne porta finalement pas plus attention que ça à cette réponse. C'était typique de Lysandra ce genre de phrase, alors elle ne pouvait pas la prendre vraiment pour elle. Elle décida même de garder le silence, attendant que la blonde lui explique pourquoi elle était venue ici. «
La Mairie était supposée donner son accord pour mon permis de construire, ça fait plusieurs moi que j'attends maintenant! ».Yseult se passa de nouveau une main dans les cheveux en soupirant. Elle avait vaguement connaissance du dossier pour l'avoir parcouru il n'y avait pas encore longtemps. Elle ne se rappelait pas de tous les détails, mais elle savait qu'il était sur le haut de sa pile des
dossiers urgents. «
On a prit du retard dans les dossiers. Mais je sais que j'ai eu le tien entre les mains il n'y a pas longtemps. Tu ne devrais pas tarder à avoir une réponse. ». Lysandra ouvrit alors la bouche puis la referma, se contentant de tourner les talon et de sortir du bureau. Yseult n'était pas certaine de ce qu'elle devait penser de tout ça, alors elle se contenta de secouer la tête et de penser à autre chose.
ɣɣɣC'est à tâtons qu'elle chercha ses vêtements, les rassemblant tous avant de commencer à se rhabiller en silence. Elle venait de faire une belle connerie et elle en était consciente. Elle s'était pour jurée que cela n'arrivera pas. Quand elle avait accepté de renouer avec Lysandra, elle s'était jurée que cela ne serait jamais qu'amicale, que leur chance, elles l'avaient laissée passer plusieurs années en arrière. Mais au lieu de se tenir à cette promesse, il avait fallut qu'elle succombe au charme de la blonde, se retrouvant dans le même lit qu'elle à partager plus que de l'amitié. Elle détestait ce sentiment qui grandissait de nouveau en elle, le méprisait et faisait tout son possible pour le repousser loin, très loin au fond de son cœur. Elle retint un instant son souffle en entendant Lysandra bouger derrière elle. «
Tu t'en vas déjà? ». Elle se mordit légèrement la lèvre, ennuyée d'avoir réveillée la jeune femme. Elle soupira alors légèrement avant de se retourner vers elle. «
On n'aurait jamais dû faire ça Lysandra. ». Elle se passa alors une main dans les cheveux, mais plus pour les remettre en place qu'autre chose. Sans vraiment accorder d'importance à ce que Lysandra pourrait bien dire, elle boutonna sa chemise, prête à partir. «
Pourquoi? ». Elle fit alors claquer sa langue contre son palet, signe évidant de son agacement. Elle avait un tas de réponse à donner à cette question. Un tas de reproche qu'elle avait envie de faire à la blonde. Mais elle n'avait pas non plus envie de s'attarder dans cet appartement. Lysandra l'avait brisée une fois, elle refusait de la laisser faire une seconde fois. Malgré tout, il y avait ce côté d'elle qui ne désirait qu'une chose, retourner s'allonger tout contre le corps de son ex-camarade. «
Pour un million de raison Lys'. La première qui me vient à l'esprit c'est que la dernière fois que les choses ont dépassé l'amitié entre nous, ça a mal fini pour moi. Tu vois, j'ai pas tellement envie que ça recommence. ». Elle regarda alors Lysandra se lever et venir se placer devant elle. Elle refusa de croiser le regard de son
amie, ayant trop peur de tomber dans ce piège attendrissant des sentiments. Elle ne devait pas,elle avait promis à sa mère de ne jamais laisser personne l’enchaîner. Lysandra en était capable, elle le savait, c'est pourquoi elle se devait de ne pas la laisser faire. «
Je regrette ce qu'il s'est passé. J'étais jeune, je voulais être comme tout le monde. Je pouvais pas accepter le fait que j'étais en train de tomber amoureuse, alors j'ai fais la pire chose que je pouvais. Si tu savais comme je regrette. ». Le regard planté dans la sol, Yseult soupira de nouveau en faisant un signe négatif de la tête et elle se décida enfin à relever la tête vers l'autre jeune femme. «
J'en ai marre que les gens regrettent le mal qu'ils m'ont fait tu vois ! J'aimerais bien qu'une fois, rien qu'une fois, que la personne qui prétend m'aimer ne me fasse pas de mal... Je suis désolé Lys'... Je peux pas prendre le risque de tomber amoureuse de toi encore une fois... ». Et sur ces quelques mots, Yseult attrapa sa veste et quitta la pièce. Elle ne pouvait pas tomber une seconde fois dans le piège de l'amour, non, elle s'y refusait. Et pourtant, elle reconnaissait ce sentiment qui pointait le bout de son nez dans son cœur. Elle le détestait, le méprisait.